L’archipel indonésien est l’un des endroits les plus riches du monde en matière de diversité biologique. Il figure parmi les dix-sept pays classés comme “mégadiverse”. Ce terme désigne un groupe de nations qui abrite la majorité des espèces endémiques de la Terre et contient également une concentration très diversifiée de flore et de faune. Les pays mégadiverses ne représentent que 10 % de la surface de la planète, mais abritent plus de 70 % de la biodiversité de la planète (source: World Atlas). On connaît évidemment ses tigres, ses orangs-outans, ses éléphants, ses gibbons, mais le grand public est peut-être moins familier avec les nasiques, les tarsiers et autres créatures fascinantes de ses 17000 îles.
Définition d’une espèce endémique :
Une espèce endémique désigne les plantes et les animaux qui n’existent que dans une région géographique particulière. Les espèces peuvent être endémiques à de grandes ou petites zones de la planète, voire à une seule île. Le plus souvent, une zone qui abrite des espèces endémiques est isolée d’une manière ou d’une autre et présente des caractéristiques environnementales inhabituelles auxquelles les espèces endémiques sont particulièrement adaptées, ce qui rend difficile la dispersion de ces espèces dans d’autres zones.
(Traduction libre de la source d’origine : Encyclopedia)
Malheureusement, cette diversité est à la fois une richesse, mais aussi un danger. La plupart des espèces de mammifères indonésiennes sont en majorité endémiques aux îles où elles vivent : le nasique n’est présent qu’à Bornéo, le tigre qu’à Sumatra, le babiroussa que dans des régions isolées de l’île Sulawesi et de ses environs. L’aire de répartition de ces espèces est donc très limitée, et face au développement économique fulgurant du pays, tous ces animaux se retrouvent très fortement menacés.
La déforestation débuta dans les années 60 pour l’exportation de bois exotique, suivie par la conversion massive de la forêt indonésienne afin de répondre à la demande croissante de l’industrie de l’huile de palme. Ces activités ont considérablement fragmenté les habitats de toutes ces espèces. À Bornéo, mis à part la grande parcelle de terres protégées dans les montagnes centrales, les forêts de plaine se résument maintenant à un ensemble d’îlots de verdure bordés par des plantations et des mines. Les espèces endémiques qui font la fierté de l’Indonésie depuis toujours sont aujourd’hui très vulnérables et constamment menacées par l’évolution rapide de la déforestation.
Répercussions de l’industrie de l’huile de palme sur les orangs-outans
° Au cours des dix dernières années, la population d’orangs-outans a diminué de 50 % en raison de la perte d’habitat due au défrichement des forêts pour les plantations de palmiers.
° Plus de 50 000 orangs-outans des îles de Bornéo et de Sumatra sont morts en raison de la déforestation causée par l’industrie de l’huile de palme.
° On estime que 6 000 orangs-outans sont tués chaque année. Le défrichement de la forêt pour la production de palmiers est l’un des principaux facteurs de ces morts.
° En 2016, seuls 45 000 orangs-outans subsistaient à Bornéo et, à ce rythme, ils auront disparu à l’état sauvage dans tout juste 25 ans.(Sources: Orangutan Blog - One Green Planet)
Toutefois, nous ne perdons pas espoir! Certains signes sont encourageants, comme le ralentissement global de la déforestation à Bornéo, comme le montre le taux exceptionnellement bas de 2020, comparable à celui des années précédant la fièvre de l’huile de palme. Si ces espèces sont menacées, cela ne veut pas dire pour autant qu’elles sont condamnées. On peut encore inverser la tendance en agissant maintenant et concrètement.
3 ÉTAPES POUR PROTÉGER LA MÉGADIVERSITÉ
Étape #1 : Afin de protéger la mégadiversité, il est tout d’abord urgent de sécuriser ces îlots de forêt, qui sont en grande partie situées en dehors des zones de conservation gouvernementales officielles. Sans une régulation concrète des activités agricoles et de chasse au sein de ces zones, les animaux y seront toujours en danger. Lorsque la forêt est fragmentée et les populations animales fragilisées, les activités traditionnelles (qui jusqu’à présent ne représentait aucun problème), deviennent un facteur déterminant de l’extinction des espèces.
Étape #2 : Il faut ensuite multiplier ces mesures pour toutes les forêts, et ce, de concert avec les communautés locales. Celles-ci revendiquent souvent un droit de propriété sur ces terres, pour endiguer l’érosion de la biodiversité. Cela passe par l’achat de terrains, des initiatives d’aide aux villageois, des partenariats à effet immédiat, de la surveillance concrète sur le terrain, le tout évidemment avec la bénédiction du gouvernement indonésien.
Étape #3 : Enfin, l’enjeu du futur est de gérer la connectivité de ces parcelles isolées pour que les animaux se rencontrent, que le patrimoine génétique se renouvelle et que les populations restent viables.
L’heure est aux actions concrètes et aux solutions pratiques. Les grands discours ne sont plus suffisants. L’Indonésie doit prouver par des faits tangibles qu’elle est en mesure de sauver les espèces et les habitats naturels qui font sa fierté et de donner l’exemple aux autres pays. Il n’est pas trop tard pour agir!
CRÉDITS
Article écrit par Chanee. Originaire de France, Chanee s’est installé en Indonésie à l’âge de 17 ans et a obtenu sa nationalité indonésienne en 2012. Depuis l’âge de 12 ans, il se consacre à la sauvegarde des gibbons, dans les zoos d’abord, puis en Indonésie, où il a créé le plus grand centre de protection des gibbons au monde. Chanee a créé Kalaweit en 1998, avec pour objectif principal de sauver les gibbons et leur habitat à Sumatra et à Bornéo.
PHOTOS
Photo #1 : Nasiques sur une branche, membres d’une espèce endémique de l’Indonésie.
Photo #2 : Orang-outang dans la forêt, par Kalaweit. En protégeant leur habitat, il est possible de sauver les orangs-outangs.
Photo #3 : L’industrie de l’huile de palme en action. Nécessitant d’abord l’exploitation forestière, puis la monoculture, l’huile de palme est la première menace pour la biodiversité importante.
Photo #4 : Tigre capté par piège photographique. Kalaweit surveille les espèces à l’aide de pièges photographiques installés sur les terres que Kalaweit protège afin d’établir le niveau de diversité de la région et les mouvements des différentes espèces.